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LE BLOG

Valérie Flipo

Justice

Dialogue, savoir-être et management

« Se sentir maltraité au travail a un fort impact sur le bien-être, l’engagement et la réussite de chacun ». C’est ce qu’on peut lire sous la plume de Thierry Nadusic. L’auteur du « management juste »  choisit de traiter du bien-être au travail à l’aune de l’injustice ressentie. Je suis convaincue par ses arguments et une question me taraude : pourquoi attaquer le sujet par cet angle éthique  ?

La réponse ? Je l’ai lue dans les études de Frans de Waal, primatologue, psychologue et éthologue. Dans l’ouvrage «L’âge de l’empathie », il raconte :  « Deux chimpanzés sont en train de réaliser la même tâche. Chacun est gratifié de tranches de concombre. Tout se déroule bien. Jusqu’à ce que l’un d’eux continue de recevoir du concombre tandis que son voisin se voit gratifié de raisins, une gâterie.  Le singe avantagé poursuit sa tâche. Mais celui qui travaille pour du concombre perd tout intérêt à s’en acquitter.  Pire en voyant son partenaire récolter les raisins juteux, il s’énerve, lance violemment des cailloux hors de la cage ainsi que les tranches de concombre. L’aliment dévoré jusque-là avec enthousiasme est devenu exécrable ».     

La quête de justice est un héritage que nous partageons avec de nombreux animaux.  Se sentir défavorisé induit une réaction, ici revendicative.  L’expérience nous invite à revenir aux fondamentaux. Le management juste est le « donnant-donnant, la nécessaire réciprocité comme fondement de la vie sociale », précise Thierry Nadisic.

Qu’est-ce que le management « juste » ?

  • C'est être considéré pour ce que l’on fait ;

  • Etre respecté dans le rôle assigné ;

  • Se sentir appartenir à un collectif où l’on veille sur la qualité des liens ;

  • Ressentir des émotions positives.

Pas une révolution, mais du bon sens pour bien vivre en groupe. Cela passe par l’empathie, la reconnaissance et le dialogue. 

Management pathogène à la recherche de moutons noirs

Je rencontre des personnes victimes d’un système managérial pathogène.

  • Le premier, vertical, est dirigé par des personnalités qui s’assoient sur la morale et se protègent de l’empathie. « En faible pourcentage dans la population, ces individus prospèrent dans un système économique qui récompense la férocité… Ils se désintéressent de l’effet de leur comportement sur les autres », précise Frans de Wall. 

  • Le second, horizontal, est conduit par un groupe de collègues qui, en souffrance eux-mêmes, cherchent un mouton noir ou bouc émissaire.  Il est le support, l’incarnation de leur mal-être.  

C’est terrifiant pour les collaborateurs « désignés responsables » et délétère pour le fonctionnement de l’entreprise. Dans ces systèmes, on observe des relations gangrenées par la manipulation, les bavardages malveillants ; les règles y sont à géométrie variable : piétinement d’activités entre les individus,  doublement de postes.

La question pour les salariés reste : où est ma place ? L’insécurité et la peur s’immiscent partout, le principe de réciprocité n’est plus.  Le sentiment d’injustice domine entraînant le long cortège de souffrances au travail.

Les moutons noirs sont bien souvent les plus engagés, les plus investis dans leur travail. Ceux qui semblent un peu différents des autres dans leur manière d’appréhender le travail. Ce ne sont pas les plus fragiles comme le confirment les études récentes.


Vers un projet managérial juste

Tous les étages de l’entreprise sont concernés, du dirigeant aux collaborateurs, managers ou pas.  La tête donne le « la », initie la prise de conscience. C’est elle qui crée les conditions pour exercer un changement managérial. Inutile d’exhorter les cadres à le mettre en place si l’on n’a pas veillé à libérer leur agenda : essorés par les tâches de gestion,  dévorés par les projets transversaux toujours plus éloignés de leur quotidien, assommés d’informations… ils survivent. Leur demander de s’investir dans un management équitable sans leur en donner les moyens créera des frustrations. Une injonction paradoxale de plus !

Le management juste est ouvert sur le dialogue et s’organise. Il doit  être encouragé et nourri.  Une solution est de construire avec l’encadrement ce projet managérial gorgé de sens !

Utopiste !

Des voix s’élèvent pour rejeter cette perspective au prétexte que la pression temporelle rend utopique sa mise en place. Oui, c’est difficile. Mais jetons un œil sur le coût financier (entre autres) du mal-être au travail : absentéisme, désengagement, présentéisme, dysfonctionnements, innovation en berne et infidélité des jeunes recrues.


Babyfoot, yoga, team building ou chief happyness officer seront d’un bref secours hors d’un projet managérial.


Au fond, la question pour les dirigeants  est la suivante : de quel projet de management avons-nous besoin  ? Et pour les salariés : quelles sont les valeurs qui m’animent et qui ne sont pas négociables ?

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